Quand on parle de bikepacking, les images qui viennent en tête ne sont pas toujours les mêmes. Pour certains, c’est un voyage à vélo chargé de sacoches, à la découverte de chemins perdus, de paysages inconnus, d’un rythme lent qui laisse le temps de sentir le vent et de croiser des gens.
Pour d’autres, le bikepacking rime avec chiffres, classement, temps à battre et gestion millimétrée des arrêts. Là, pas de place pour l’improvisation : on enchaîne les kilomètres comme dans une course contre soi-même et contre les autres.
Ces deux visions cohabitent et se nourrissent mutuellement. Pourtant, elles ne racontent pas la même histoire. D’un côté, le bikepacking de loisir et de découverte, où l’important est le chemin et non la vitesse. De l’autre, l’ultracyclisme, cette discipline où l’on repousse ses limites physiques et mentales sur des milliers de kilomètres.
Mais alors, où commence vraiment la compétition ? À partir de quand un simple voyage à vélo bascule-t-il dans le monde de l’ultra ? Cet article propose d’explorer cette frontière, parfois floue, entre deux façons de pédaler qui attirent de plus en plus de passionnés.
Sommaire
Bikepacking : le voyage avant tout
Le bikepacking est d’abord né d’une envie simple : voyager léger à vélo, en sortant des routes classiques pour tracer sa propre ligne sur une carte. Pas besoin de planning strict, encore moins d’un objectif de vitesse. Ce qui compte, c’est le plaisir de rouler, de découvrir et d’improviser.
Dans cette approche, on choisit ses routes comme on choisit une aventure. Certains partiront une journée avec une sacoche de selle, d’autres une semaine en autonomie complète. L’esprit reste le même : la liberté.
La vitesse n’est pas un critère. On roule parfois 50 km, parfois 150, selon la forme, la météo ou l’envie du moment. On s’arrête quand on veut, on dort où on trouve, sous une tente, dans un bivy ou même à la belle étoile.
En bikepacking, il n’y a pas de chronomètre. On ne mesure pas sa réussite à l’aune d’un classement, mais à la richesse des souvenirs ramenés. C’est une approche où chaque détour, chaque rencontre, chaque imprévu fait partie du voyage.
C’est aussi celle que j’expérimente le plus personnellement aujourd’hui : mes sorties ou mes boucles plus longues ne sont pas des défis chronométrés, mais des invitations à explorer et à créer mes propres routes.

Ultracyclisme : la compétition en autonomie
L’ultracyclisme, c’est l’autre face de la médaille. Ici, le décor est le même : de longues routes, parfois gravel, parfois bitume, des sacoches réduites à l’essentiel et une autonomie quasi totale. Mais l’approche change radicalement.
Dans une épreuve d’ultracyclisme, l’objectif n’est pas seulement de rejoindre l’arrivée, mais de le faire le plus vite possible. La distance ? Souvent plusieurs milliers de kilomètres, avec un dénivelé qui ferait pâlir un peloton de pros. La règle ? Pas d’assistance extérieure, tout repose sur le cycliste.
Cela signifie gérer son alimentation, son sommeil, sa navigation et ses réparations… tout en continuant à avancer. La compétition se joue autant dans les jambes que dans la tête : savoir quand s’arrêter, combien de temps dormir, combien de calories ingérer pour tenir encore quelques heures.
Des épreuves comme la Transcontinental Race en Europe, la Silk Road Mountain Race au Kirghizistan ou le mythique Tour Divide aux États-Unis ont façonné l’imaginaire de cette discipline. Chaque année, des cyclistes du monde entier se lancent sur ces lignes de départ, prêts à repousser leurs limites et à se mesurer aux autres… mais aussi à eux-mêmes.
Contrairement au bikepacking de loisir, où l’on s’autorise à flâner, l’ultracyclisme demande une discipline quasi militaire. On planifie ses arrêts, on optimise chaque gramme de matériel, on choisit ses pneus comme un coureur choisit ses armes. Le vélo devient une machine de performance, le corps un moteur qu’il faut ménager mais jamais éteindre.
C’est aussi un état d’esprit : accepter la fatigue, la douleur, les nuits blanches, les imprévus mécaniques, tout en avançant. Car dans l’ultracycling, l’abandon n’est jamais très loin, mais franchir la ligne d’arrivée après des semaines de lutte donne une saveur unique que seul ce genre d’expérience peut offrir.
Deux mondes qui se croisent
Même si tout semble opposer le bikepacking de loisir et l’ultracyclisme compétitif, ces deux univers partagent une même base : le voyage à vélo en autonomie. Les sacoches, le bivouac improvisé, la navigation sur des routes inconnues, les imprévus mécaniques… tout cela fait partie du quotidien, qu’on roule pour le plaisir ou pour la performance.
La différence se joue surtout dans l’intention. D’un côté, on prend le temps de lever la tête, de discuter avec les habitants, de savourer un café au village. De l’autre, chaque pause est chronométrée, chaque détour évité, chaque geste optimisé pour ne pas perdre de temps.
Pourtant, ces deux approches se croisent plus souvent qu’on ne le pense. Certains bikepackers découvrent la compétition presque par hasard, en participant à un brevet longue distance. À l’inverse, des ultracyclistes chevronnés avouent apprécier parfois un voyage plus lent, sans pression, juste pour retrouver la magie des premiers tours de roue.
On pourrait dire que l’ultracycling est une version extrême du bikepacking. Mais réduire le bikepacking au simple « avant » ou « après » de la compétition serait une erreur. Il s’agit bien de deux expériences différentes, qui répondent à des envies différentes.

Bikepacking ou Ultracyclisme: Pourquoi choisir l’un ou l’autre ?
La vraie question n’est pas de savoir si le bikepacking de loisir est “mieux” que l’ultracyclisme, ou l’inverse. La question, c’est surtout : qu’est-ce que tu recherches en prenant ton vélo ?
Si tu veux explorer, prendre ton temps, ressentir la liberté d’une route qui s’ouvre devant toi sans savoir où tu dormiras ce soir, alors le bikepacking de loisir est probablement ce qu’il te faut. Il n’y a pas de chrono, pas de pression, seulement le plaisir d’avancer et de découvrir.
Si tu veux tester tes limites, te confronter à l’endurance extrême, apprendre à gérer le sommeil, la fatigue, la météo et ton mental, alors l’ultracycling compétitif devient une école de dépassement.
En réalité, chacun y trouve des réponses différentes. Pour certains, le bikepacking est une parenthèse douce dans leur quotidien. Pour d’autres, l’ultra est une quête presque spirituelle, une manière de se prouver quelque chose.
Ce choix dépend aussi du moment de vie. On peut très bien commencer par des voyages courts, sans pression, avant de se lancer dans une course. Ou au contraire, vivre une compétition, puis ralentir pour redécouvrir le goût des voyages simples.
Il n’y a donc pas une bonne réponse, mais deux voies parallèles. Elles se nourrissent l’une de l’autre et font partie de la même grande famille : celle des cyclistes qui aiment rouler loin, longtemps, et autrement.
Les points communs invisibles
À première vue, le bikepacking de loisir et l’ultracyclisme compétitif semblent aux antipodes. L’un se vit comme une évasion tranquille, l’autre comme une course contre soi-même. Pourtant, en creusant un peu, on découvre de nombreux points communs.
D’abord, il y a cette même envie d’aventure. Que tu partes trois jours dans le Massif Central ou que tu traverses les Dolomites lors d’une course, tu cherches avant tout à quitter le quotidien pour vivre quelque chose de différent.
Ensuite, il y a le rapport au matériel. Dans les deux cas, tu réfléchis à ton setup, tu choisis tes sacoches, tu testes ton éclairage, tu compares les solutions pour dormir ou pour t’alimenter. Certes, un coureur optimisera chaque gramme et un voyageur emportera peut-être son petit réchaud pour un café au lever du soleil, mais la logique reste la même : transporter l’essentiel, ni plus ni moins.
Il y a aussi la gestion du corps et du mental. Même sur un week-end en bikepacking, tu peux connaître des coups de mou, des moments de froid, de fatigue ou de doute. Exactement comme en ultracyclisme, sauf que les intensités diffèrent. La frontière n’est pas si nette : tu apprends toujours à t’écouter, à gérer ton énergie, et à trouver du plaisir malgré la difficulté.
Enfin, il y a la communauté. Dans les deux univers, tu croises d’autres passionnés, tu partages des routes, des anecdotes, un repas improvisé ou une galère mécanique. Le lien humain est un carburant puissant, qu’on soit en compétition ou en simple exploration. En somme, derrière des pratiques différentes, il y a une même philosophie : rouler loin, vivre intensément et se reconnecter à soi-même par le vélo.
Mon regard personnel : pourquoi je choisis le bikepacking de loisir
Pour moi, le vélo est avant tout un moyen de découvrir et créer. Même si l’ultracyclisme et les épreuves longues distances fascinent par leur côté extrême et compétitif, mon expérience reste centrée sur le bikepacking de loisir. J’aime prendre le temps de tracer mes propres itinéraires, explorer des coins reculés, m’arrêter pour admirer un paysage ou échanger avec les habitants. Cette approche me permet de vivre chaque kilomètre pleinement, sans être obsédé par la performance ou le chrono.
La préparation est différente : je privilégie la simplicité et le confort plutôt que le gain de grammes ou la performance pure. Mon matériel reflète cet état d’esprit : un vélo fiable, des sacoches robustes, un matelas et une tente pour dormir partout, sans pression. Pour moi, le bikepacking est une aventure personnelle, un moment de liberté où je choisis mon rythme et mes étapes.
Même si je m’inspire des ultracyclistes et de leurs exploits, je reste attaché à la philosophie de découverte et de plaisir, plutôt qu’à la compétition. Cette approche permet aussi de s’imprégner des paysages et de la culture locale, ce qui est, selon moi, l’essence même du voyage à vélo.

Témoignages d’ultracyclisme : finir le Tour Divide avec Louis Duclaux
Pour mieux comprendre l’univers de l’ultracyclisme, j’ai récemment interrogé Louis Duclaux, finisseur du Tour Divide 2025. Son expérience illustre parfaitement ce que représente une épreuve de longue distance en totale autonomie. Louis m’as partagé son préparatif physique et logistique, son choix de matériel et surtout la résilience mentale nécessaire pour tenir plusieurs semaines sur la route. Il raconte également ses rencontres marquantes, les moments difficiles et les solutions qu’il a trouvées face aux imprévus.
Son témoignage montre que l’ultracyclisme n’est pas seulement une course contre la montre, mais une aventure extrême où chaque détail compte. Les choix techniques, le mental et l’organisation font la différence entre abandon et réussite.
Pour ceux qui souhaitent plonger dans le récit complet et inspirant de Louis, je vous invite à lire son interview intégrale, où il détaille son parcours, ses erreurs, ses anecdotes et ses conseils pour se lancer dans ce type d’aventure.